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Bérengère Doby s’est toujours considérée comme altruiste, et elle cherche des moyens de mettre son amour en pratique. Son enfance dans le sud de la France a mené à sa service missionnaire en Suisse et puis une carrière en santé. Récemment elle a mis à côté sa carrière en podologie pour élever ses enfants. Dans cet interview, Bérengère parle des leçons qu’elle avait apprises en tant que missionnaire, qui l’ont préparée au mariage, à la maternité, et à une vie de service.

Pourriez-vous parler de votre enfance ?

J’ai grandi dans le Sud de la France dans une petite ville qui s’appelle Espalion dans l’Aveyron. J’ai grandi là-bas jusqu’à l’âge de huit ans, quand mes parents ont divorcés. J’ai eu une enfance bien au début, moins bien après, parce que mon papa était alcoolique, donc ça ce n‘est pas bien passé avec ma mère. Pour nous protéger, notre mère s’est séparée de son mari. Nous sommes venus vivre chez ma grand-mère dans La Marne à Châlons-en-Champagne. Pendant ce temps, ma mère est devenue amie avec Martine qui était membre de l’Église et qui lui a parlé de l’Église. Ma mère s’est fait baptiser en nous laissant le choix, en disant, « Moi, je me fais baptiser. C’est mon choix ». On avait neuf ans, onze ans, et mon petit frère en avait six. Un an après maman ma sœur et moi, avons décidé de nous faire baptiser et nous sommes devenues membres de l’église en 1988. Notre frère a attendu ses 8 ans.

Vous avez décidé de faire une mission ?

La mission était difficile pour moi. Ma mère ne voulait pas du tout que je parte en mission parce qu’une année avant ça, elle est devenue moins active, donc elle m’a empêchée de partir pendant un an. Suite à ça j’ai pris la décision de faire mes papiers, « Jje suis majeure et grande et je pars en mission. C’est comme ça ». Donc je suis partie en mission à Genève, Suisse. De  retour de mission j’ai appris que ma mère téléphonait presque tous les jours au président de mission, « Je veux parler à ma fille, je veux parler à ma fille ! » Pauvre Président !

C’était l’expérience la plus merveilleuse de ma vie, la mission. J’ai appris ce que pouvait être un foyer, un foyer de l’Eglise, en fait, basé sur l’évangile et d’avoir des frères et sœurs dans l’évangile que je n’ai jamais eu. Et de quitter la mission et de redevenir normal, c’était très, très difficile. J’ai mis une année et demie, voire deux ans à juste être : « Je suis plus missionnaire. Je suis un membre normal ». Et voila, c’était un moment vraiment merveilleux, même s’il y a des choses très difficiles des fois, les compagnes avec lesquelles on ne s’entend pas,  les gens que l’on croise nous disent des choses pas gentilles.  Ceux sont des choses très difficiles. Mais la mission est merveilleuse. Je souhaite à tout le monde de le faire, même les jeunes filles. C’est vraiment quelque chose de fantastique.

Est-ce qu’il y a des choses qui vous ont changée pendant la mission ?

Oui ! Pendant la mission, j’ai appris à me connaître, et à savoir qui je ne voulais pas être quand je serais mariée. J’ai appris que j’avais un caractère assez spécial. J’ai appris que je pouvais être une très bonne amie, et avoir de très bonnes amies. J’ai eu aussi une compagne qui venait de Mongolie donc les coutumes et la relation entres les personnes sont complètement différentes. Par exemple, c’est une expérience très simple: On prend des photos tout le temps en mission, et j’avais sorti mes photos et on les regardait, et il y avait quelques photos de nous deux, mais elle ne se trouvait pas belle. Le lendemain, j’ai trouvé mes photos découpées, et j’ai dit, « Mais sœur ! » Et j’étais tellement en colère qu’on s’est disputées. Elle m’explique que pour elle, en Mongolie, son image et son corps, ça lui appartiens, donc elle avait le droit de découper les photos. Et j’étais tellement en colère que j’ai criée. Puis je me suis dit, « Oh lala. Je ne veux plus jamais faire ça, et surtout pas quand je serai mariée ! »  Ça permet énormément de se connaitre et d’essayer de changer l’homme naturelle et d’être vraiment quelqu’un de plus humble, et soumis, et plus proche de l’Esprit.

Je suis quelqu’un qui n’aime pas lire du tout. Je passais toutes mes journées à lire Le Livre de Mormon. Et ma mère me disait, « Mais ça ne va pas. Tu es malade. » Pages après pages ma lecture me pris un mois, pour savourer chaque ligne de ce fabuleux livre.

Comment est-ce que votre mission a influencé votre foi en l’Évangile ?

La mission, ça fait grandir son témoignage. Il est petit et puis il devient énorme. Ça ne peut même pas s’expliquer, il faut vraiment le vivre.  Et je pense pour partir en mission il ne faut pas forcement avoir un témoignage de tout parce qu’on ne peut pas avoir le témoignage de tout. Mais d’être en mission ça aide à apprendre. On apprend énormément avant d’apprendre aux gens, avant de partager l’Évangile avec les gens. Et quand on enseigne les gens ce n’est pas nous qui enseignons. Il y a des choses qu’on ne sait pas et on va les enseigner parce que l’Esprit nous les témoigne sur le moment quand les gens en ont besoin, et c’est ça qui est merveilleux. Et on grandit en même temps que les enseignements que l’on donne aux gens. C’est ça qui est fantastique.

Est-ce que vous pensez qu’il y avait des choses avant la mission qui vous ont préparée ? Ou est-ce que la mission était préparatoire pour une autre chose dans votre vie ?

Il y a eu des choses préparatoires et qu’il fallait que je reçoive. Le seul réel témoignage qu’il me fallait, c’est  du témoignage du Livre de Mormon et de la venue de Christ sur le continent américain parce que j’avais le témoignage que l’église était vraie et que Le Livre de Mormon était vrai, mais pas fort comme j’ai pu le recevoir quelque mois avant de partir en mission. En fait, c’est une expérience très spéciale. J’ai décidé de lire Le Livre de Mormon. Je suis quelqu’un qui n’aime pas lire du tout. Je passais toutes mes journées à lire Le Livre de Mormon. Et ma mère me disait, « Mais ça ne va pas. Tu es malade. » Pages après pages ma lecture me pris un mois, pour savourer chaque ligne de ce fabuleux livre.  C’était un besoin, un besoin intérieur de lire et d’apprendre et de comprendre et de recevoir ce que Le Livre de Mormon avait besoin de me donner. Quand  je suis arrivée à 3 Néphi quand le Christ arrive et qu’il prend les enfants et que les gens se rassemblent autour de lui, j’ai pleuré et pleuré. J’étais toute seule dans ma chambre et j’ai pensé, « J’espère que personne n’entre.  Ils vont penser que j’ai un truc qui ne va pas ! » C’est à ce moment-là que j’ai reçu le profond témoignage du Livre de Mormon et de la seconde venue de Christ sur le continent américain. Et j’avais besoin de ça pour avoir cette force pendant ma mission, je pense.

La mission, effectivement, prépare pour la vie après. On oublie des choses, mais ça nous prépare énormément pour la vie de parent, pour la vie en couple, pour la vie avec les autres, pour la vie entière. Tout ce qui va se passer après. Même si on se marie pas, ça nous prépare pour les relations avec nos amis, avec les gens qu’on va rencontrer. Même pour le travail. Quand je suis rentrée de mission, vraiment à chaque fois que j’entreprenais quelque chose dans ma vie, je réussissais. Pas parce que j’avais fait des études pour, pas parce que j’avais des connaissances, mais parce que la force que j’avais acquise pendant ma mission était là. Les gens qui étaient en face de moi le sentaient. On a quelque chose de spécial après avec nous, c’est fantastique. Après, il est possible de ne pas réussir, mais moi dans ma vie j’avais sûrement besoin de ça. J’ai fait des études pendant trois ans et j’ai réussi alors que c’était des études difficiles. Je l’ai fait, mais parce que j’avais acquis cette force et ce pouvoir, si je peux dire. C’est un manque d’humilité, peut-être, mais la mission m’a apporté énormément.

On oublie des choses, mais ça nous prépare énormément pour la vie de parent, pour la vie en couple, pour la vie avec les autres, pour la vie entière. Tout ce qui va se passer après.

Qu’est-ce que vous avez étudié après la mission ?  Qu’avez-vous fait professionnellement ?

Tout de suite après j’ai travaillé dans un centre pour le cancer. Ça me plaisait, mais je n’aimais pas voir mourir les gens, donc mon but était de partir sur autres choses. J’étais aide soignante. Après, j’ai réussi à trouver une place dans un hôpital pour les personnes malades Alzheimer et j’ai travaillé là-bas pendant quatre ans. Et à ce moment-là j’ai un petit peu regardé les gens autour de moi, et j’ai remarqué qu’ils tombaient beaucoup. Je me suis demandé pourquoi les gens tombaient. Est-ce que c’est la maladie ou est-ce que c’est quelque chose de physique ? Je me suis rendue compte que dans le centre, les gens avaient tous les ongles de pied ou les pieds en mauvais état. Et je me suis dit, « Pourquoi pas étudier pour pouvoir soigner ces gens et devenir podologue ? » J’ai postulé pour une école et j’ai fait ces études-là pendant trois ans. J’ai obtenu mon diplôme de pédicure-podologue en 2008. Depuis j’ai travaillé un petit peu mais je suis tombée enceinte donc j’ai décidé de rester à la maison pour m’occuper de ma fille. Et maintenant mon métier c’est maman.

Quelle est votre expérience avec les gens ayant Alzheimer ?

J’ai toujours été très altruiste – j’ai toujours aimé aller vers les gens et les aider. Même mon mari me dit, « Arrête ! » Mais je n’arrive pas. Et je suis trop toujours à servir et à aider les gens.  D’être près de ces gens-là c’était  un moyen pour moi de mettre ça en pratique en fait, de m’occuper d’eux, de leur donner beaucoup d’amour. Pas forcement toujours de la patience parce que c’est difficile, ils ne sont plus conscients du monde sur terre et ils faisaient des choses comme un petit enfant d’un an. On avait de grandes vérandas, de grosses baies vitrées, et en essayant d’aller dehors ils se cognaient à la vitre tout le temps. Mais dans un autre sens il y avait des moments ou ils étaient tellement proches, que j’avais l’impression qu’ils voulaient  nous envoyer un message en nous disant, « On est bien malgré tout, et on est heureux, même si ça parait  très bizarre. » C’est très intéressant de s’occuper des gens qui ont des problèmes comme ça. Même si c’est difficile aussi. Il y a les deux, c’est intéressant mais difficile aussi.  L’évangile, nous donne la  chance de pouvoir appréhender les choses autrement.

En France, on a un problème avec tout ce qui est handicap et les maladies qui font perdre la tête ou qui rendent les gens « anormaux ».  On a un énorme problème avec ça. C’est encore tabou. C’est une tragédie, ce n’est pas bien pour une famille d’avoir quelqu’un de malade physiquement, psychologiquement, dans leur handicap. L’évangile pour nous en France nous aide par rapport à tout ça. Même si après pour nous ça peut être difficile si on est dans ce cas-là, mais on a une vision différente.

Pourriez-vous raconter la première fois où vous êtes devenue mère ?

Alors, l’expérience incroyable et un peu folle, c’est le jour de mon accouchement.  Pendant toute ma grossesse, je me suis rendu compte qu’il y avait un petit bébé dans moi, on le sent, on a les perspectives et les envies qui changent. On imagine ce qui va être la vie avec un bébé. Mais le jour où j’ai accouché, juste avant que ma fille vienne, j’ai dit, « ça y est ! Je vais être maman! »   Et la médecine m’a regardé, très étonnée. Et mon mari  aussi. Personne ne compris le changement qui s’était opéré dans mon être entier. C’est ce moment-là où j’ai pris l’entière conscience que j’allais être maman.  C’était fantastique.

En France, on fait une prise de sang pour voir si les enfants sont atteints de  trisomie. Et ma prise de sang était très mauvaise. On avait soit le choix de l’avortement, de faire un examen complémentaire, ou de juste continuer la grossesse. J’ai choisi de faire l’examen parce que je voulais vraiment savoir  pour me préparer à l’éventualité. Quand on veut devenir parent, on n’est pas sûr d’avoir des enfants en bonne santé ou soi-disant « normaux ». On est sûr d’avoir un enfant parce que Père Céleste nous le  confie.  Par cette expérience,  je me suis rendue compte de la responsabilité du parent envers les enfants qui nous sont confiés. C’est pas « Oui, on va avoir un bébé, on va avoir une poupée. On va être maman parce que c’est le statut de parents. » Non, c’est plus que ça. On va être parent et on a un rôle réel envers ses enfants. Et c’est là où je me suis spirituellement rendu compte de la mission en tant que parents. Il y avait la peur avant, effectivement, où je me disais, « Mais je ne vais pas pouvoir assumer un enfant handicapé. Déjà un enfant normal c’est difficile. » Et après c’est vraiment Père Céleste qui m’a confirmé que l’enfant qui arriverait, c’était mon enfant et je l’aimais déjà. L’amour était déjà là. Donc, pourquoi penser à des choses encore plus traumatisantes que d’avoir un enfant peut-être pas normal, mais que j’aimerais?

Pour vous, en tant que mère, qu’est-ce que l’amour ?

Oh, ça ne peut même pas s’expliquer. Ça vient de l’intérieur. C’est pour ça que j’ai arrêté de travailler, parce que je ne pouvais pas donner mon enfant à quelqu’un. C’est moi, la maman. Bien qu’il ne faut pas être trop sur ses enfants, mais c’est moi qui ai le devoir de l’éduquer, c’est moi qui ai le devoir de lui enseigner les choses de la vie. Et ça, je ne pensais pas être comme ça avant.C’est dur de gérer tout ça mais enfin, on se dit, « C’est moi qui le fait et c’est pas une nounou ou c’est pas quelqu’un qui réprimanderait mes enfants. Je le fais avec amour et je leur montre les choses qui me semblent être justes et bonnes pour eux. » Mais c’est un lourd investissement dans la vie de maman. Ce n’est pas facile, mais à la fin on est heureux de l’avoir fait.  Pour moi ce n’est pas fini, mais je suis heureuse de le faire.

Quelles sont les joies de la maternité ?

La première fois que vos enfants disent, « Je t’aime » ! Ou le premier mot, ou le premier regard qui dit, «  Mais maman. Je sais ce que tu fais pour moi et je t’aime. »  Des fois c’est juste un regard avec le bébé qui ne parle pas, de voir ses enfants heureux c’est ça les meilleurs moments.  C’est fantastique.

Est-ce que l’église et la maternité ont beaucoup en commun ?

L’église est fantastique pour les parents. On prie tous les soirs et on essaie de faire nos prières régulières—ce n’est pas trop facile, mais tous les soirs c’est sûr on prie tous ensemble. Il y a des moments où on oublie ou on se dit, on ne va pas y penser, et puis j’entends : « Maman, on fait la prière tous ensemble ? » Et on ne peut pas passer à côté parce que sinon c’est le mauvais exemple de dire, « Non, on ne le fait pas ce soir parce qu’on est fatigué. » Des fois ils reviennent de l’église en disant, « Maman, j’ai appris ça. » Il y avait une activité de pieu pour les enfants et Léna faisait partie de l’équipe Russell Ballard. Elle a expliqué un peu Russell Ballard, et elle dit, « Oui, c’est Ballard là, Maman ! » C’est des petites choses dont elle n’est pas vraiment consciente, mais elle apprend. Elle a voulu continuer à chanter « Je suis enfant de Dieu. » Elle le chante dans la voiture et c’est génial. Et maintenant Adam qui est à la classe d’éveil chez les tous petits à la garderie, il croise les bras et il dit « amen. » La première fois qu’il a dit « amen » c’était comme le « je t’aime », c’était pareil. C’est, « Oh la la ! Il dit ‘amen’ ! Il est conscient qu’on fait une prière. » Je pensais que ce serait moi qui lui apprenne, mais c’est l’église, et c’est très bien parce que ça complète mon éducation à moi et c’est fantastique.

Est-ce que c’est difficile d’enseigner, d’être un exemple ?

D’être un exemple, j’espère être un bon pour mes enfants ! Mais l’enseigner c’est difficile dans le sens où si nous, ne sommes pas réguliers dans l’étude des écritures, dans les prières ça va être difficile de leur enseigner. Donc ça me remet en question tout le temps. Et plus ils grandissent plus je peux voir qu’ils sont un miroir fidèle de leurs parents. Les expressions, les attitudes et habitudes qu’ils utilisent sont des reproductions de nous !

Comment définiriez-vous la maternité ?

Je crois qu’il n’y a pas de définition. C’est un don de soi complet. Le don de sa personne. Je pense qu’une mère s’oublie complètement pour pouvoir faire grandir ses enfants. Pour moi, c’est comme ça même si on garde notre personnalité. La maternité c’est une joie extrême. Il y a des mamans qui le ne vivent pas comme ça —les hormones sont parfois difficiles à remettre en ordre après l’accouchement. Mais pour ma part la maternité c’est une joie extrême. Je suis heureuse d’être maman. Et pour maintenant, moi est maman, ça veut dire que je me donne à cent pourcent pour mes enfants, sans oublier mon mari.

Quelle est la contribution de votre mari dans la famille ?

J’ai un mari qui est très investi. Mais on apprend tous les jours, en fait, dans notre famille. Mon mari  voulait des enfants mais il n’a jamais trop approché d’enfants donc ce n’est pas toujours facile. Pour lui, c’était tu t’occupes, tu gères, c’est très bien. Et du coup, petit à petit on se met des objectifs en place et maintenant il prend les enfants, il fait des sorties, leur explique des choses de l’église, il prend des responsabilités qu’il ne prenait pas forcement au début et petit à petit on se complète vraiment. Après on n’a pas chacun des rôles bien définis. Nous sommes ensemble une équipe et on essaie de bien faire ensemble. Nous construisons petit à petit notre foyer, avec des erreurs, des réussites, des joies des peines mais surtout avec beaucoup d’amour et l’Evangile comme guide.

 

At A Glance

Bérengère Doby

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Emplacement:
Montigny le Bretonneux, France

Age:
36 ans

Convertie de l’Eglise:
1988

Histoire maritale:
Mariée

Métier ou occupation:
Assistante Maternelle

Enfants:
2 enfants 3 et 5

Les écoles:
Ecole de Pedicurie Podologie INP

Langage parlée chez vous:
Français

Cantiques préféré:
“Le Jardin”

Interview by Ashley Brocious and Lauren Brocious. Photos used with permission.

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