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Lorsque Josiane Lazeras avait treize ans, elle s’est fait baptisée et a rejoint un petit groupe très uni de Saints des derniers jours près de Paris, France. Tandis que l’évangile l’a aidée à se développer spirituellement, Josiane a trouvé également que l’église a encouragé sa créativité et ses talents. En plus, elle a été encouragé à considérer l’importance des “mères en Israel,” un rôle dans lequel l’amour, la spiritualité, et l’action se mélangent. La maternité, comme l’évangile du Christ, est un stimulus: “Ça vous pousse à l’action. C’est quelque chose qui vous permet d’aller plus loin que votre propre force ne vous le permettrait.”

 

Pourriez-vous parler de votre enfance ?

Je suis parisienne. Je suis née dans la région parisienne. J’ai toujours vécu dans la région parisienne. J’aime Paris. J’aime toujours beaucoup aller à Paris: aller aux musées, marcher dans Paris, voir les expositions, les spectacles. J’ai pas mal voyagé dans le monde, je suis toujours heureuse de revenir, toujours heureuse de rentrer chez moi. Je trouve que c’est une ville magnifique et une belle région aussi.

J’ai aussi rencontré l’Eglise à Paris. C’est une histoire très amusante. Les missionnaires faisaient du porte à porte et ils sont passés chez moi. Un des deux missionnaires s’appelait David Crockett. Quand mon frère, qui avait quinze ans à l’époque, a vu David Crockett, américain, il a toute suite pensé aux cowboys et aux indiens. Le soir il nous a dit, « David Crockett va venir à la maison ! » David Crockett est venu, mais il n’a pas parlé des indiens ni des cowboys. Il a parlé de Joseph Smith, de la Première Vision, du Livre de Mormon. Mon frère a été très déçu et il n’a jamais été converti ni baptisé. Mais  mon jeune frère qui avait onze ans, et moi qui en avait treize, nous avons été touchés par le message, convertis et baptisés à cette époque-là. Ma mère a été baptisée trois ans après.

Ma mère est très croyante. Toute petite, je l’ai vue prier, j’ai appris à prier. Quand les missionnaires nous ont demandé de prier pour savoir si le message de Joseph Smith était vrai, si le Livre de Mormon était vrai, pour moi et pour mon frère la prière était déjà quelque chose d’acquis. Depuis tout petit on avait l’habitude de se mettre à genoux et de prier. C’est quelque chose de formidable que ma mère m’a transmis. C’est un héritage spirituel. J’ai  fait de la généalogie du côté de ma mère en Suisse et j’étais étonnée et heureuse de voir que beaucoup de mes ancêtres s’appelaient Isaac, Abraham,  Jacob ou Moïse, donc c’est vraiment une lignée spirituelle qui m’a enrichie, je pense. Puis, l’Eglise m’a enrichie spirituellement.

Je me suis fait baptiser en 1962, à l’époque, l’Eglise en France était toute petite. Sur toute la région parisienne il avait trois branches : une à Paris, une à Versailles, une dans le sud de Paris. C’est tout. Maintenant, il y a trois pieux (depuis septembre 2013) ! On a l’impression que l’Eglise ne progresse pas beaucoup en France, mais quand je regarde en arrière je vois, quand même, la progression. J’ai grandi dans une Eglise où on était peu nombreux. À l’école, personne ne connaissait les mormons, mon frère et moi, nous étions les deux seuls.

C’est sans doute pour ça que j’ai accepté l’Evangile aussi facilement, parce que tout m’a semblé normal.

C’était difficile d’être la seule mormone ?

Non, ce n’était pas franchement difficile. On était peu, mais on était un petit groupe très soudé et les missionnaires nous ont beaucoup aidés pour prêcher l’Evangile mais aussi pour notre progression personnelle. On faisait des kilomètres à pied pour aller à l’église quand il n’y avait pas de bus. On était un peu pionniers je crois. Et je pense que si on demandait à des pionniers de l’Eglise, s’il a été dur d’être pionnier, ils diraient « non » parce qu’ils étaient portés par l’Esprit, parce que même s’il y a eu des moments difficiles, des décès. Mais ils étaient ensemble, ils ont aussi dansé, chanté ensemble. Et moi, je n’avais pas le sentiment que c’était dur. On était heureux. On était sûr de notre témoignage. On était bien. On était ensemble. Je n’étais pas seule. On était un petit groupe. Non, ce n’était pas difficile.

Le fait, d’être dans l’Eglise nous a poussés à accomplir des choses.  Par exemple, quand la première chapelle a été construite dans la région parisienne, c’était à Versailles. Il fallait contribuer financièrement.  Comme nous étions adolescents et donc sans revenus, avec le petit groupe de membres de notre branche, nous avons mis au point un spectacle que nous avons présenté dans toutes les branches, partout où nous le pouvions, et nous avons demandé aux sœurs de faire des gâteaux qui étaient vendus lors du spectacle faisait de l’argent pour la construction de la chapelle. Nous avons fait des spectacles, des voyages, plein de choses et je pense que c’est l’Eglise, l’Evangile, qui nous poussait à chercher des idées, à être inventifs, à trouver des choses à faire  pour parler de l’Eglise. J’ai eu une belle adolescence grâce à l’Eglise qui nous a stimulés pour faire plein de choses.

Quel était votre rêve d’avenir pendant votre enfance ou adolescence ?

Mon rêve c’était de me marier au temple, d’avoir des enfants, et de pouvoir élever ma famille dans l’Evangile. Je l’ai réalisé. C’est super ! Je n’ai jamais eu de « rêve » dans le domaine du monde. J’ai fait des études, j’ai eu des objectifs, j’ai travaillé, j’ai essayé d’avoir le meilleur niveau possible. Mais je n’ai jamais rêvé de devenir Président de la République. Pour moi, la chose la plus importante c’est la famille. Aimer mon mari, mes enfants, mes petits-enfants, mes parents, pour moi c’est ce qu’il y a de plus important parce  que je sais que c’est ce que je retrouverai après cette vie. Ma maison n’existera plus, mais ma famille oui—j’espère que ma famille sera avec moi, je fais tout pour cela. Mon rêve est d’avoir une famille éternelle, voilà. Depuis mon adolescence c’est ça.

Est-ce que vous pensez que votre conversion a changé  les rêves de votre vie ?

J’ai lu une fois une petite bande dessinée que j’ai beaucoup aimée. On y voyait un petit garçon qui regardait  les photos de mariage de sa maman. Elle lui montrait : « c’est ton grand-père, c’est ta grand-mère, c’est moi.. » Le petit garçon lui a alors demandé : « et moi, je suis où sur les photos ? »  « Toi, tu n’existais pas encore. » « Je n’existais pas ? Ce n’est pas possible ! » Et quand les missionnaires nous ont enseigné le plan salut – c’est-à-dire qu’on venait de la préexistence… – pour moi, c’était évident. Le fait de ne pas exister avant, pour moi ce n’était pas possible, et même si je ne connaissais pas encore l’Evangile, j’avais déjà le sentiment de la préexistence. Je me suis dit, Oui ! C’est normal ! Ça ne peut pas être autrement. C’est sans doute pour ça que j’ai accepté l’Evangile aussi facilement, parce que tout m’a semblé normal. Je pense que ça n’a pas changé ma vie. Si j’avais été beaucoup plus âgée, peut-être, mais non, ça n’a pas changé ma vie, ni mes rêves.

Quelle a été votre expérience d’épouse et de mère ?

J’ai rencontré mon mari, Parisien aussi, dans l’Eglise. Et nous avons élevé notre famille avec nos principes religieux. La première fois que j’ai eu un bébé, cela a été très dur. J’avais  été malade pendant toute ma grossesse puis ma fille est née un mois avant terme, avec de gros problèmes – on ne savait pas trop – mais le médecin nous a dit qu’elle n’allait certainement pas survivre. C’était un choc. Quand j’ai appris que cet enfant, mon enfant, une partie de moi-même allait peut-être mourir, j’ai beaucoup pleuré, beaucoup prié.

Et dans mon désespoir, je me souviens avoir dit : « Père Céleste, si tu prends cet enfant, prends moi avec. » Je voulais partir avec cet enfant, parce que je ne voulais pas la quitter. C’était très, très dur. Elle a été bénie par la prêtrise, par mon mari et mon père, et… elle a survécu. Je me suis rendu compte après, que je n’ai jamais dit « Dieu n’existe pas » ou « Dieu est méchant » etc. Pour moi, même dans mon désespoir, je savais que mon Père Céleste était là. Je voulais  mourir pour ne pas quitter cet enfant. Mais ça a approfondi mon témoignage. Je me suis dit : « Même dans les pires moments, je sais qu’il est là. »

Quand j’avais quatorze ans j’ai reçu ma bénédiction patriarcale. Il y est dit que je verrais « l’accomplissement de ma vocation comme mère en Israël. » À quatorze ans, je me suis dit, « qu’est-ce que cela veut dire ? » Je n’étais pas du tout le style à vouloir faire du babysitting. Les petits ne m’intéressaient pas. Je n’avais pas de petits frères ni de petites sœurs ni petits cousins à l’époque. Je me suis dit, « C’est quoi ça, mère en Israël ? Je ne veux pas vivre en Israël !» Je n’ai pas compris ce que cela voulait dire. C’était marqué, donc chaque fois que j’ouvrais ma bénédiction patriarcale, pendant des années, je me suis posé des questions à ce sujet.  Ma bénédiction patriarcale s’est vraiment accomplie, parce que mon rôle d’épouse et de mère est vraiment ce qui est de plus fort et de plus important pour moi. S’il arrive quelque chose à un de mes enfants, ça me touche beaucoup. C’est pour ça que je suis toujours prête à aider si nécessaire. J’ai eu l’occasion quand mes filles étaient petites de garder une de mes nièces pendant un mois. Je me suis rendu compte que je développais les mêmes liens avec cet enfant que j’ai gardé. Je crois que si j’avais adopté un enfant, j’aurais eu les mêmes liens. Je pense qu’on peut avoir des liens maternels sans qu’il y ait des liens biologiques. Ça dépend des gens certainement. Moi, je crois vraiment que je pourrais.

Pour moi, même dans mon désespoir, je savais que mon Père Céleste était là.

Il y a deux langues dans votre maison ?

J’ai fait des études de langues, d’anglais. J’ai un diplôme de traductrice-interprète. Quand je me suis mariée, je ne sais plus qui m’a dit : « C’est bien !  Tu vas pouvoir apprendre l’anglais à tes enfants ! » Mais je n’ai pas réussi, je pense parce que l’anglais n’est pas ma langue maternelle. Quand on a tous les enfants autour, peut-on vraiment parler en anglais ? Les choses viennent spontanément en français et donc, je ne leur ai jamais vraiment parlé en anglais. Mais j’ai toujours eu plein de livres en anglais à la maison. Maintenant, les DVDs sont en plusieurs langues. Mais quand mes enfants étaient petits, c’était des cassettes vidéo — les cassettes vidéo de Disney—je les ai toujours achetées en anglais. Mes enfants râlaient quand ils regardaient « mais pourquoi ?  On ne comprend pas. » Je répondais « Tu comprends les images. Tu auras le son de l’anglais dans les oreilles. » Et je me suis aperçue qu’au collège français, quand mes enfants étaient adolescents, dans les études de langues, ils n’apprenaient pas grands choses. J’ai envoyés mes enfants, quand ils avaient à peu près quatorze ans, aux États-Unis pendant quatre mois dans une famille américaine qui ne parlait pas français. Même si cela a pu leur sembler dur au début, quand ils sont revenus, ils parlaient anglais. Je me souviens d’une de mes filles qui pleurait au téléphone, « Maman, je ne comprends pas. » Je lui ai dit, « Parle avec les mains ! Ça va aller ! »  Je me suis rendu compte, il y a vingt ans, que l’anglais est indispensable dans le monde actuel et dans l’Eglise. Je m’étais abonnée au New Era pour les enfants, il fallait qu’ils puissent aussi le lire. J’ai essayé de leur donner un enseignement de la langue anglaise. Je pense qu’ils sont contents aujourd’hui. C’est utile partout.

 

Est-ce que vous avez été un modèle pour vos filles qui sont devenues mères ?

J’espère! J’espère. C’est difficile à dire parce qu’elles sont toutes différentes, chacune a une vie différente. J’essaie de ne pas donner de conseils. Quand j’ai eu ma première fille, il fallait toujours coucher les bébés sur le côté. Quand j’ai eu ma deuxième fille, il fallait surtout les mettre sur le ventre… Et après quand j’ai eu mes autres filles, il fallait les mettre sur le dos. Quand ma fille aînée a eu son premier bébé, elle m’a demandé un conseil, je ne sais plus pourquoi. J’ai dit « Écoute. Je ne veux pas te donner de conseil. J’ai tout connu : les bébés sur le dos, sur le ventre, sur le côté. Ça change tout le temps ! Tu vois avec ton pédiatre. Tu vois avec ton mari. Vous décidez. Je n’ai pas de conseil à donner. » Ça c’est un petit exemple, mais elles ont leur vies indépendantes. Quand elles viennent chez moi, j’organise ; mais chez elles, c’est chez elles. Je ne veux pas m’en occuper, pas dans le sens que je ne veux pas aider. Je veux bien aider, mais c’est elles qui voient, c’est elles qui décident, c’est elles qui font.

Je pense que chaque femme est différente et chaque femme va élever ses enfants différemment. Je ne suis pas sûre d’avoir élevé mes quatre enfants de la même manière, je pense qu’il y a eu des différences entre les premiers et les derniers. Il faut aimer ses enfants, mais ça vient naturellement quand on a des enfants.

Ce n’est pas un sacrifice. Ce n’est pas un engagement. C’est un lien très, très fort. C’est dur à définir. C’est un lien, mais plus que ça. Cela pousse à l’action.

Qu’est que votre définition de la maternité ?

Ce n’est pas un sacrifice. Ce n’est pas un engagement. C’est un lien très, très fort. C’est dur à définir. C’est un lien, mais plus que ça. Cela pousse à l’action. C’est quelque chose qui pousse à agir, qui permet d’aller au-delà de ses forces. Certains soirs quand on est mère de famille, on s’écroule dans le lit, et on se demande comment on a réussi à avoir la force d’aller jusque-là. C’est comme un stimulant qui pousse à agir pour le bien de ses enfants. Je ne sais pas vraiment, c’est dur à définir. C’est de l’amour. Ce n’est pas matériel, ce n’est pas physique. C’est un lien sentimental qui pousse à agir. La maternité c’est de l’amour. Je la définirais comme ça.

 

Qu’est que vous pensez de la maternité pour les femmes qui n’ont pas d’enfant ?

Ma dernière fille n’est pas encore mariée et est institutrice. Elle travaille dans une école primaire. Elle a toujours beaucoup aimé les enfants. Elle a eu des neveux et des nièces dès son adolescence. Je crois qu’elle remplit, auprès des enfants à l’école, un peu un rôle maternel. Je pense qu’on peut, sur cette terre, sans être mariée et sans avoir d’enfant, avoir un rôle auprès d’enfants, qui s’approche de la maternité. Il peut y avoir une frustration de ne pas avoir d’enfants à soi. Mais on peut quand même aider, aimer d’autres enfants sur cette terre et dans l’Eglise aussi.

 

Le rôle maternel est-il spirituel ?

Oui, c’est super important, parce qu’avoir des enfants sur cette terre, c’est formidable, mais la vie terrestre ne dure pas longtemps. Si on ne les a pas préparés pour l’éternité, on n’aura pas grande chose après. Si on n’arrive pas à développer la spiritualité de nos enfants, pour pouvoir être scellés à eux au temple, on ne sera pas sûr de les avoir pour l’éternité. Et la vie est courte.

L’élément spirituel pour moi est fondamental. Les ordonnances du temple ont tellement d’importance. Le scellement, pour moi, est essentiel. Sinon, je vais avoir un petit bout de bonheur, et puis après, le vide ? Développer la spiritualité c’est le plus important. Le plus important.

 

“AT A GLANCE” QUESTIONS ET COMMUNIQUES BIOGRAPHIQUES

Josiane Lazeras


Emplacement:
Région parisienne, France (mais actuellement en mission à Salt Lake City, Utah, USA)

Âge:
65 ans

Histoire maritale:
Mariée depuis 1974

Enfants:
4 filles de 38 ans, 35 ans, 32 ans et 27 ans

Métier ou occupation:
Traductrice retraitée, actuellement en mission bénévole pour mon Eglise

Convertie de l’Eglise:
Convertie et baptisée le 22 septembre 1962

Les écoles:
Ecoles secondaires, puis Ecole supérieure de Traducteur/Interprète

Langue parlée chez vous:
Français

Cantiques préféré:
“Divin Amour”

Interview by Ashley Brocious and Lauren Brocious. Photos used with permission.

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